"Mais si nous pouvons convaincre notre lecteur qu’il y a, sous les images superficielles de l’eau, une série d’images de plus en plus profondes, de plus en plus tenaces, il ne tardera pas à éprouver, dans ses propres contemplations, une sympathie pour cet approfondissement ; il sentira s’ouvrir, sous l’imagination des formes, l’imagination des substances. Il reconnaîtra dans l’eau, dans la substance de l’eau, un type d’intimité, intimité bien différente de celles que suggèrent les "profondeurs" du feu ou de la pierre. Il devra reconnaître que l’imagination matérielle de l’eau est un type particulier d’imagination. Fort de cette connaissance d’une profondeur dans un élément matériel, le lecteur comprendra enfin que l’eau est aussi un type de destin, non plus seulement le vain destin des images fuyantes, le vain destin d’un rêve qui ne s’achève pas, mais un destin essentiel, qui métamorphose sans cesse la substance de l’être."
G. Bachelard. L'eau et les rêves
Équipée :
Alain Delisle, Ayesha Ratnayake, Cassandre Lazar, Chantal Bergevin, David Caissy, David Jaclin, Francis Comte, Gabriel Benoit-Martin, Guy Allard, Jules Valeur, Kevin Brown, Luc Gilbert, Nicolas Rutherford, Robert Deproy, Serge-Olivier Rondeau, Steve Duplessis, and Steve Doyon.
Article relatant le projet MINEX, écrit par K. Brown pour la revue Diver Magazine
Demande de permis de recherche auprès CCN
« Une mine, c’est pas une grotte. Il faut que tu fasses de petites pénétrations successives, en allant de plus en plus profondément à chaque fois, de manière à vraiment apprendre l’environnement et les nombreux pièges qui s’y trouve. Dans les mines, il faut utiliser les techniques d’exploration d’épaves et de grottes, parce qu’on y retrouve les dangers de ces deux environnements! »
-Dave
"Diving in a cold, pitch black environment and then get disoriented into a silt out makes you think about your training and more importantly your limits; know you limits and dive within them. Train to push them in shallower depths."
-Gab
"My number one priority during the exploration of Forsyth was safety, as a voluntary project I chose to commit my time fully cognizant of the myriad of risks involves in such project. I took a very safe approach, my biggest fear other than a major collapse was getting caught on structures or wires found in the mine, I moved slowly to new area and taking all the safety precaution, I learned a lot during the project, I’m more confident working in low or zero visibility than I was prior to the project, I practise low viz exit during my cave course but never had to do for real, leaving the elevator room or exploring the haulage tunnel made me appreciate my cave training. My favorite experience was going down the shaft to the 200ft level on the other side my biggest disappointment was not being to find any entry to other tunnels and entrance to the haulage tunnel past the elevator room. I enjoyed my time researching Forsyth and finding information that would contribute to the project. The best part of the project was meeting other divers with the same goal and conducting dangerous underwater exploration without any incidents."
-Alain
Depuis 4 ans, nous travaillons dans un parc de conservation, en bordure de la capitale fédérale canadienne,
le parc de la Gatineau.
Dans ce parc, il y a une mine, désaffectée et inondée. Creusée à la pioche dans les années 1850, sur des territoires autochtones non cédés.
Mine qui incarne bien le programme économique et cosmologique extractif du jeune pays de l’époque.
Cette mine est aujourd’hui oubliée de beaucoup, y compris des lotissements riverains.
Pour des questions très contemporaines de liability, l’organisme en charge de la gestion du parc a fermé l’entrée de la mine et tâche de garder son existence la plus discrète possible.
En janvier dernier, dans cette même mine, une équipe de plongeurs professionnels a réalisé plusieurs collectes d’échantillons d’eau, battant au passage un record du monde de plongée en profondeur et en eau froide (202 mètres).
"Le Puits.
Il s’enfonçait dans la glace translucide, à la verticale du point où avait été localisé l’émetteur du signal.
Il avait onze mètres de diamètre.
Une tour de fer semblable à un derrick le dominait, trépidante de moteurs, fumante de vapeurs que le vent transformait en écharpes de neige.
Deux ascenseurs emportaient vers les profondeurs de la taille les hommes et le matériel qui s’enfonçaient un peu plus chaque jour vers le coeur du mystère.
À moins de neuf cent dis-sept mètres, les mineurs du froid trouvèrent dans la glace un oiseau.
Il était rouge, avec le ventre blanc, les pattes corail, une aigrette de la même couleur, dépeignée, le bec jaune, trapu, entrouvert, l’oeil roux et noir, brillant.
Avec ses ailes à demi déployées, distordues, sa queue retroussée en éventail, ses pattes raidies en coup de frein, il avait l’air de se débattre dans une rafale de vent arrière.
Il était hérissé comme une flamme."
Barjavel, La Nuit des Temps
Ces échantillons (filtrés, traités, dont l’ADN a été extrait, avant d’être séquencé et mis en correspondance dans de vertigineuses bases de données informatisées) ont ainsi permis de détecter de nouvelles formes de vie…
Collectivement, et le long d’un noeud de multiplicités qui nous semblait intéressant (le projet est multispécifique, multi-sites et multi-médias), nous avons documenté ces différents processus d’extraction/révélation.
Une mine creusée à la pioche aujourd’hui engloutie, des micro-organismes ‘découverts’ et dont les modes d’existence se font spéculation, une histoire locale et populaire du fer oubliée sous les bulldozers de développements suburbains…
Nous avons ainsi tâcher de problématiser ces rapports complexes d’invisibilisations>visibilisations (celles des profondeurs à percer, celles des micro-organismes à révéler et celles des mineurs du siècle passé à oublier).
Ces captures d'eau, réalisées à différentes profondeurs et le long de gradients savamment conçus, figurent ici autant d’épaisseurs, représentant le passé extractif des lieux (plus l’on descend dans cette mine, plus l’on se rapproche de ces dernières exploitations).
Mais ce sont aussi des promesses qui se dessinent à mesure que se dissolvent ces couches. Promesses de performances sportives qui se font méditatives, promesses scientifiques de voies métaboliques à mieux saisir, promesses biocapitalistes de formes de vies résilientes à mettre au jour et à valoriser, promesses anthropocéniques d’un paysage post-extractif à reconstruire, peut-être même à habiter à nouveau.
Ainsi, nous nous intéressons aux dispositifs/dispositions d’apparition de nouvelles (disparition d’anciennes) formes de vie.